24/05/2019 – Communiqué de presse
Plus d’un millier d’experts de cent pays ont appelé à Montpellier, à l’issue du 4e congrès mondial d’agroforesterie, à un changement profond du système alimentaire mondial pour en limiter les impacts négatifs sur notre planète*. L’agroforesterie, ont-ils convenu, a un rôle essentiel à jouer dans cet effort. Ce congrès était organisé, pour la première fois en Europe, par le Cirad et l’Inra, en partenariat avec World Agroforestry, Agropolis International et Montpellier Université d’Excellence.
Durant le 4e congrès mondial d’agroforesterie qui s’est achevé hier, plus de 300 communications et 600 posters ont présenté les dernières avancées de la recherche en agroforesterie, révélant la puissante efficacité des associations entre arbres et cultures.
« Ajouter des arbres aux champs de culture et aux pâturages contribue à la biodiversité, tout en maintenant ou en renforçant la sécurité alimentaire et la nutrition », précise Emmanuel Torquebiau du Cirad, président du comité d’organisation du congrès. De plus, « cela conduit souvent à accroître la rentabilité des exploitations, à atténuer les effets du changement climatique et à s’y adapter, tout en optimisant la gestion de l’eau et en restaurant les sols », poursuit Christian Dupraz, directeur de recherche à l’Inra et président du comité scientifique du congrès.
Les participants du 4e congrès mondial d’agroforesterie ont appelé, à l’issue de l’événement, les décideurs publics et privés à un changement en profondeur de la gouvernance, de l’éducation et de la finance afin d’accélérer l’adoption de systèmes agroforestiers. Ils ont adopté la « Déclaration de Montpellier », intitulée « Make our planet treed again ! / Notre planète a besoin d’arbres ! » (publiée le 24 mai 2019 : lire ci-dessous).
« L’agroforesterie gagne du terrain dans le monde entier. Mais jusqu’à présent, c’était surtout une histoire agricole au Sud », selon Patrick Worms du World Agroforestry, président de la Fédération européenne d’Agroforesterie. Pour la première fois, ce congrès mondial a rassemblé un nombre égal de participants de régions tropicales et tempérées, « où le regain d’intérêt pour l’agroforesterie est plus récent » .
Pour Diaminatou Sanogo, directrice du Centre National de Recherches Forestières de l’Institut sénégalais de recherche agronomique (ISRA), l’essentiel est de s’assurer que les politiques sécurisent les moyens à mettre en œuvre. « Le président du Sénégal a récemment exprimé le besoin d’une transition vers l’agro-écologie et a demandé aux institutions spécialisées de réfléchir à la question. Avec l’agroforesterie, nous pouvons réaliser cette intensification agro-écologique ». Elle s’est réjouie que son équipe de recherche ait remporté le prix du meilleur poster dans la catégorie « changement climatique ». « Cette innovation en agroforesterie permet aux agriculteurs du bassin arachidier d’accroître leur sécurité nutritionnelle et leur résilience » . L’utilisation intelligente des essences indigènes avec les cultures permet d’accroître fortement les rendements tout en réduisant l’utilisation d’engrais.
Chad Frischmann, directeur de recherche du projet Drawdown, a d’ailleurs souligné que « 12 des 20 meilleures solutions pour le climat se trouvent dans les systèmes alimentaires, et beaucoup d’entre elles concernent les arbres et l’agroforesterie ».
Stephen Briggs, producteur britannique en agroforesterie, a aussi déclaré : « Il existe un intérêt croissant pour l’agroforesterie à l’échelle mondiale et locale au niveau de l’Union Européenne en tant que système offrant une plus grande résilience économique et de production, ce qui est important pour faire face aux effets du changement climatique. Pour favoriser l’adoption future de l’agroforesterie, nous avons maintenant besoin des réseaux d’agroforesterie locaux, régionaux et mondiaux, car les agriculteurs apprennent mieux des autres agriculteurs ».
« Avec l’agroforesterie, nous proposons des systèmes agricoles plus complexes mais beaucoup plus riches et performants, plus proches de la nature. C’est un changement radical par rapport à la simplification et à l’artificialisation récente de l’agriculture mondiale », a rappelé Christian Dupraz. « Face à cette complexité, nous pouvons avoir le sentiment que plus nous apprenons, moins nous en savons. C’est pourquoi nous avons besoin de collaborer et d’encourager les collaborations transversales à tous les niveaux », a résumé Tristan Lecomte, président de PUR PROJET lors des conclusions du congrès.
« Il est important que l’agriculture de demain imite les processus des écosystèmes naturels afin que certains services que nous rendait autrefois la nature puissent être fournis par l’agriculture. L’agroforesterie peut relever ce défi », conclut Emmanuel Torquebiau.
* documentés dans le récent rapport de l’IPBES sur la biodiversité
Déclaration de Montpellier
Make our planet treed again ! Notre planète a besoin d’arbres !
Le 4ème Congrès mondial sur l’agroforesterie s’est tenu à Montpellier du 20 au 22 mai 2019.
Nous y étions plus de 1200 délégués, venant de plus de 100 pays, et nous avons constaté que la dégradation massive de la biodiversité de notre planète, détaillée dans le récent rapport de l’IPBES, est principalement due à de mauvaises pratiques agricoles. Or, nous constatons ensemble que l’agroforesterie est une solution possible pour éviter ce désastre, tout en garantissant la sécurité alimentaire des habitants de notre planète.
Le dernier rapport du GIEC sur le changement climatique accordait au monde une seule décennie pour transformer en profondeur une grande partie de son économie afin d’empêcher que le changement climatique devienne ingérable ; il soulignait que la transformation des pratiques agricoles mondiales était cruciale pour relever ce défi.
Les très nombreuses communications au congrès de Montpellier montrent que l’agroforesterie est capable de maintenir ou d’améliorer les rendements tout en réduisant les émissions de carbone, en s’adaptant aux sécheresses et aux inondations de plus en plus fréquentes provoquées par les changements climatiques, en restaurant les sols dégradés et en maximisant la productivité globale des paysages pour l’humanité et la nature.
Nous nous félicitons des preuves apportées lors de congrès, qui montrent que de plus en plus d’agriculteurs du monde entier reconnaissent l’importance des arbres dans leurs systèmes de production. Nous notons cependant avec inquiétude que les progrès sont encore inégaux et lents.
Par conséquent, nous appelons les décideurs politiques mondiaux, les dirigeants d’entreprises et responsables financiers, ainsi que les principales institutions de recherche à s’engager rapidement dans un processus de transformation en profondeur afin de promouvoir les avantages de l’agroforesterie auprès des propriétaires et des gestionnaires de terres de la planète.
Nous demandons aux décideurs, gouvernements et régulateurs de l’économie mondiale d’accélérer la conception et la mise en place de mécanismes légaux, réglementaires et de soutien afin d’encourager l’adoption généralisée de l’agroforesterie.
Nous proposons au secteur privé d’élaborer des modèles financiers et d’investissement permettant de mobiliser les ressources en capital nécessaires pour appuyer la transformation des systèmes agricoles en agroforesterie.
Nous exhortons les instituts de recherche à considérer comme prioritaire l’amélioration continue des systèmes agroforestiers à haute performance, adaptés à toutes les tailles d’exploitations agricoles, zones climatiques et niveaux de revenus.
Nous soulignons l’importance que tous doivent collaborer pour donner la priorité au développement et à la mise en place de modules pédagogiques destinés aux propriétaires et aux gestionnaires de terres afin de les aider à adopter les solutions agroforestières adaptées à leurs contextes.
Nous sommes enfin reconnaissants envers les agriculteurs agroforestiers de tous les pays, qui, par leur sagesse et leur savoir-faire, contribuent à protéger notre planète, et appelons tous les autres agriculteurs à les imiter en inventant les multiples agricultures agroforestières de demain.
Les délégués ont finalement souligné que les systèmes agroforestiers sont généralement des systèmes rentables une fois en place. Ce qui est parfois coûteux, c’est la transition agroforestière, qui prend du temps, et qu’il convient de soutenir. Au final, à long terme, le coût de la transformation des modes d’utilisation des terres pour les rendre compatibles avec la santé de la planète est soit faible, soit même négatif.
Gérer notre monde pour qu’il reste un lieu agréable et habitable pour nos enfants et nos petits-enfants est la priorité absolue de notre époque. L’agroforesterie est l’un des outils les plus efficaces pour atteindre ce résultat. Nous affirmons que les progrès peuvent être rapides et les résultats spectaculaires. Notre planète a besoin d’arbres !